Balladur: "Les gens ont compris qu’on faisait de la variété française"
Un interview avec le duo lyonnais à l’occasion de la sortie de leur nouvel album "Pourquoi certains arbres sont-ils si grands ?"
Pour fêter la sortie de leur nouvel album Pourquoi certains arbres sont-ils si grands ?, une interview des copains de Balladur. J’ai un rythme de boulot infernal depuis la reprise du capitalisme donc on va rester minimal pour nos amis en dehors des réseaux sociaux. N’hésitez pas à écouter le podcast c’est quand même plus sympa.
C’est toujours un peu bizarre d’interviewer des gens qu’on connait depuis longtemps. C’est jamais aussi réussi qu’on le voudrait. Alors que je pense avoir une connaissance quasi encyclopédique de la discographie de Balladur, je me suis grave retenu sur les questions.
Si vous connaissez pas Balladur, c’est un groupe formé à Lyon au début des années 2010. Au début, iels étaient quatre (il y avait même une chanteuse) et ils ont vite sorti une cassette de cold-wave qui définira pendant longtemps comment les critiques les percevront.
En vrai, quand on nous dit qu'on fait la cold wave, on est un peu deg. Cela nous colle à la peau. […] Mais récemment, il y a une chronique où on nous comparait à Michel Berger. Ca y est, on a réussi : les gens ont compris qu’on faisait de la variété.
Romain de Ferron, Balladur
Mais depuis près de dix ans, Balladur c’est un duo composé de :
Amédée de Murcia qui sort des albums de musique électronique assez variés sous le nom de Somaticae mais qu’on retrouve aussi dans d’autres duos comme Jazzoux (avec Claire Gapenne aka Terrine) et OD Bongo (avec un gars qui s’appelle C_C).
Romain de Ferron qui a également une carrière solo sous ce nom-là avec notamment de très belles cassettes d’orgues enregistrées in-situ dans des lieux de culte étranges et plus récemment un très bel album instrumental intitulé Ravi. A la guitare, il a également participé aux albums de Charlène Darling et Omerta.
A deux, ils ont sorti quatre excellent albums dont un parfait qui s’appelle Super Bravo qui est le seul que je n’ai pas en vinyle. Fin 2020, j’avais écrit cette chronique que je recopie ici pour gagner quelques lignes.
Super Bravo, c’est sorti en 2016 et c’est mon album français préféré de cette décennie. J'ai appris à l'aimer de plus en plus à chaque fois que j'y revenais. Parce que même s’il est très court, il y a tout un monde là-dedans. Il reste plus grand chose de la pop new wave de leurs débuts. D’accord c’est toujours électronique mais si tu tends bien l’oreille, il y a de la disco, de la dub, des machins orientaux…
Balladur, c’est donc Amédée et Romain et ils viennent de Villeurbanne, la ville de banlieue la plus peuplée de France. J’ai toujours apprécié le fait que Balladur soit un groupe polyglotte et je pense que c’est en grande partie grâce à Romain. Après Amédée a cette sorte de dualité entre l’obsession pour la pop parfaite et la techno très dure, ce qui rend toutes les percussions de Balladur extrêmement efficaces, surtout en live. Si vous ne les avez jamais vu en concert, vous loupez quelque chose.
Ce que j’aime par dessus tout c’est que Olympique Layat commence exactement là où le précédent album s’était arrêté avec ce beat extraordinaire qui sample probablement une 204 ou une Fuego. C’est ça qui rend le disque génial, le sens du détail. Le recyclage de toutes les formations expérimentales qu’ils ont à côté, leurs expériences chelous dans leur maison, à Grrrnd Zero ou à l'Orgue du couvent du Corbusier, leur amour sincère et mélomane pour l’italo disco ou les chansons ringardes… Tout ça au service d’un album de pop parfait.
Cette interview a donc été enregistrée à l’occasion de leur concert à la Cheminée à Forest, dans une arrière-salle un peu refroidie par l’humidité extrême de l’octobre bruxellois.
Si vous connaissez pas La Cheminée, c’est un endroit vachement chouette à Bruxelles, un peu secret, avec une cheminée industrielle dans le jardin (bonus briquettes). Ce soir là, en plus de Balladur il y avait trois groupes : Fantôme Josepha, qui criaient un peu trop ; Gianfranco Piombo, qui faisait des drones à l’accordéon accompagné du rythme syncopée d’un moteur d’essuie-glace et Acte Bonté, un duo de sœurs bruxelloises qui viennent tout juste de sortir leur nouvel album, Service de Nuit, et avec qui Balladur partait en tournée. C’était vraiment une super soirée.
Le quatrième album de Balladur, Pourquoi certains arbres sont-ils si grands ?, est donc sorti au mois d’octobre. Pour la première fois, c’est une coproduction entre les labels Another Records, Le Turc Mécanique et Carton Records. Vous pouvez l’acheter sur Bandcamp ou le streamer sur toutes les plateformes. Même si Amédée s’en fiche puisqu’il n’a pas de compte Spotify.
Résultat : c’est encore fois un très bel album avec une narration maitrisée de la part d’un duo de musiciens a leur meilleur, capables de sortir leur plus beau morceau, Ma Dai, après dix ans de collaboration. Six chansons complexes, mélancoliques et un poil anxieuses par moment, en français et en italien, sur des synthés exotiques et des cadences polyrythmiques syncopées, digne des meilleurs tubes d’Alain Chamfort. Sans remplissage et sans ironie.
Pour vous donnez encore une fois l’envie d’écouter le podcast en entier sur toutes nos plateformes (Radio Panik ou Radio Campus Paris), voici un extrait rigolo qui parle de SEO.
The Locomotion : En parlant de truc qui vous colle à la peau, est-ce que 10 ans après, vous ne regrettez pas d’avoir choisi le nom Balladur ?
Amédée : Tu veux en dire en terme de référencement Google ? Oui, c'était une erreur.
Romain : C'est une blague qui dure depuis 10 ans quoi. C'est un peu relou une blague qui dure 10 ans.
Amédée : C'est plus très drôle.
Romain : Mais en même temps, vu qu'on fait de la musique un peu kitschouille pop, j'aime bien qu'on ait ce nom un peu monstrueux. Dans ma tête, ça tempère un peu.
The Locomotion : Il n’y a absolument aucune alternative.
Amédée : On peut plus changer de nom maintenant, ça serait impossible. Mais c'est quelque chose que tu fais bien de dire. Et il faut le dire aux plus jeunes : choisissez bien votre nom groupe. Parce que s’il a un peu de succès, vous pourrez plus le changer. Attention : pas de blague avec des politiciens.
Dans le prochain épisode de The Locomotion
Une interview de Cyril Bondi, batteur chez La Tène, Cyril Cyril, Diatribes, Yalla Miku, Plaistow mais aussi conducteur de l’Insub Meta Orchestra et coordinateur du collectif Insub. Une interview réalisée à Genève, pendant les vacances, déjà diffusée en version courte sur Radio Panik, en amont du concert de La Tène à la Brasserie La Source (avec encore Acte Bonté !), et en version longue sur Radio Campus Paris et Spotify le 20 novembre.
A noter également, la version en anglais de l’interview de Sarah Davachi est disponible sur le spin of in English.