Florist: "Nous essayons de de partager un peu de vulnérabilité avec le public"
Pour le sixième épisode, un entretien avec Emily A. Sprague, chanteuse de Florist, un groupe de folk des Castkills (New York).
Florist est un groupe de la campagne du nord de l’état de New York, pas loin des Catskills.
Point géographie : les Catskills, c’est un massif de basse montagne au cœur de l'état de New York, aux contreforts de la chaîne des Appalaches. Si voulez une image mentale, les Catskills, c’est ce qui sert de décor au film Dirty Dancing. C’est également là où a eu lieu le festival Woodstock en 1969.
Florist a récemment sorti son quatrième album éponyme, enregistré pendant un mois dans une maison de campagne, où leur écriture folk s'ouvre encore plus vers l'ambient et le field recording.
Vous pouvez déjà écouter l’interview avec Emily A. Sprague, la chanteuse de Florist, en amont de leur concert au Botanique le 20 mars dernier, organisé par TOUTPARTOUT, une agence de concert basée à Gand. On a parlé d'enregistrement, d'écriture, d'internet et de ce que ça fait de grandir dans la campagne près de New York. Vous pouvez retrouver le retranscription des réponses un peu plus bas.
Dans la playlist augmentée, on parlera des albums solos de Emily A. Sprague et du bassiste du groupe sous le nom de Onlyness, mais également de Anna Mieke qui jouait en première partie au Botanique et de Skullcrusher, autre groupe dans le roster de TOUTPARTOUT. Pour finir par l’agenda, qui mélange recommandations de concerts bruxellois et annonce des potentielles prochaines invitées.
Making-of technologique
Un petit paragraphe sur les dessous technologiques de cet épisode de The Locomotion. L’entretien a eu lieu sur Zoom quelques jours avant le concert. Ensuite j’ai remonté l’audio sur Reaper parce qu’il y avait beaucoup de délai à cause de l’internet belge. Par la suite, les fichiers audios sont analysés par Video Indexer, une intelligence artificielle de Microsoft qui retranscrit exactement les échanges. Comme ceux-ci sont peu lisibles, il faut ensuite les réécrire en anglais et une fois satisfait, je les traduis avec l’aide de Deepl, pour pouvoir doubler les interventions d’Emily Sprague une fois à la radio ou les retranscrire ici. Une réécriture est évidemment nécessaire. Après enregistrement, un dernier coup de montage sur Reaper et hop l’épisode est prêt.
L’épisode est déjà disponible sur le site de Radio Panik, il sera diffusé sur Radio Campus Paris le 14 avril et disponible sur Spotify la semaine suivante.
Cinq questions à Emily Sprague (Florist)
Les interludes et les morceaux plus courts sont particulièrement intéressants pour comprendre comment votre musique est faite et pour trouver le bon équilibre entre la mélodie et la texture dans votre musique. Vous avez dit qu'il y avait une approche différente cette fois-ci avec une implication égale des membres du groupe dans l'écriture des chansons), comment cela a-t-il fonctionné ?
C'était la première fois que nous procédions de la sorte. Auparavant, nous nous réunissions à différents moments pour travailler sur nos chansons. Nous ne vivions jamais ensemble. Pour le nouvel album, pendant ce mois, c'était notre maison. Nous nous réveillions tous ensemble, nous prenions notre petit-déjeuner ensemble et nous faisions tout ce que nous aurions fait un jour normal. C'était notre vie pendant ce mois.
Le referiez-vous ?
Je pense que la prochaine fois, nous irons dans un endroit différent, nous tenterons une nouvelle expérience, dans une ville quelque part ou un autre type de maison ou avec un autre équipement. Mais le fait d'être ensemble pendant cette période était vraiment spécial et une nouvelle expérience pour nous. Je pense que c'est ce qui a permis à l'album d'être ce qu'il est à bien des égards.
L'album a été enregistré dans la vallée de l'Hudson sans producteur, où vous avez incorporé les sons de la maison, des environs, de la nature, et encore plus de synthés modulaires cette fois-ci. Comment cela fonctionne-t-il sur scène ?
Nous avons adopté une approche différente pour l’arrangement de ces tournées. L'esprit du disque est un document sur le moment que nous avons passé à jouer ensemble et sur toutes les façons dont nous nous écoutons et réagissons les uns aux autres. Les synthés et tous les sons enregistrés dans la nature ne sont pas présents de la même manière en concert : c'est un peu plus minimaliste. Les sons tournent autour des chansons. Nous avons quelques moments instrumentaux dans le set, mais c'est vraiment une nouvelle version de l'album, parce que nous l'emmenons dans un nouvel espace chaque jour. Au lieu de recréer cet espace à la maison, nous essayons de jouer les chansons pour les gens dans ces différents environnements, d'inclure les sons de la salle. Pas mal de nos chansons sont sensibles et parfois un peu délicates. Nous essayons d'amplifier ces moments afin de créer un lien entre nous et le public, de partager un peu de vulnérabilité et la réalité de la vie. C'est aussi un bon moyen pour nous de jouer ensemble avec notre instrument principal, de nous écouter vraiment les uns les autres et d'être attentifs à chaque note que nous jouons. C'est une expérience très amusante pour nous. Je pense que les gens l'apprécient jusqu'à présent.
Pensez-vous que Substack nous sauvera tous du doom scrolling ?
Je pense que le format que beaucoup d'entre nous utilisent pour se tenir au courant, rester en contact, faire de l'autopromotion, mais aussi simplement diffuser du contenu significatif dans le monde - si l'on utilise l'internet pour cela - est devenu de moins en moins utile à mes yeux. J'ai cherché à amorcer une transition hors des réseaux sociaux qui, selon moi, finiront par mourir dès lors qu'ils cesseront d'être pertinents, par exemple pour se tenir au courant des concerts. Ce n'est pas très agréable d'être aussi dépendant d'un seul type d'entreprise. Ils ont beaucoup de tactiques pour contrôler l'attention et le temps des gens. Surtout depuis ces deux dernières années. Substack est une autre marque, je suppose. Mais l'approche est tellement différente. Il n'y a pas de publicité ni de shopping. On a toujours l'impression qu'un lien subsiste via la liste d'adresses électroniques. Les gens consulteront toujours leurs e-mails. Pendant longtemps au moins. Et j'aime aussi l'idée d'avoir un environnement pour la communication longue pour parler de ce que nous faisons, au lieu d'être rapide et bref pour correspondre à l'algorithme de capture d'attention.
Je recueille les histoires des groupes sur l'endroit où ils ont grandi et sur leur scène locale dans l'espoir d'écrire un livre à ce sujet un jour. Vous venez d'Albany, dans l'État de New York…
Trois d'entre nous vivent à la campagne, à environ trois heures au nord de New York. Un seul des membres du groupe vit en ville. Nous avons créé le groupe dans le nord de l'État de New York. Nous venons tous de petites villes de la campagne. Lorsque nous avons commencé, nous jouions ensemble dans des hangars et des granges autour de nos différentes maisons. Le fait de ne pas venir d'une grande ville est une part importante de qui nous sommes en tant que personnes et de ce qui a donné naissance à Florist. Nous avons tous vécu dans des villes et, à un moment donné, nous vivions tous à New York City. Mais c'est dans les Catskills, dans la vallée de l'Hudson, au sud d'Albany, que le projet a véritablement vu le jour.
Comment s'est passé le fait de grandir et de commencer à faire de la musique si près - mais à l'époque si loin - de l'une des scènes musicales les plus importantes au monde ?
La ville de New York a toujours été un endroit un peu mythique pour nous. Son histoire est légendaire. Nous sommes tous inspirés par les différentes époques et les différents types de musique qui se sont créés à New York City. C'était assez loin pour que nous n'y allions pas souvent dans notre enfance. Pour quelqu'un du nord de l'État de New York, avoir un concert à New York City c’était important. À un moment donné, cela semblait être quelque chose qui ne pourrait jamais arriver. Évidemment, nous savons maintenant ce que c'est. Mais c'était une sorte de rêve, au début.
La playlist augmentée du sixième épisode
La playlist augmentée vous renvoie vers les albums dont j’ai passé les morceaux au cours de l’épisode. On a effectivement pas mal de folk contemporaine mais aussi les expériences solo de deux membres de Florist : Emily A. Sprague sort des disques instrumentaux au synthé modulaire et Rick Sparato a sorti un unique album de rock alternatif sous le nom de Onlyness. Vous pouvez lire ce qu’Emily a à dire sur les deux projets.
Emily A. Sprague
Parfois, j'ai l'impression qu'il y a plus à dire que les seuls instruments. Les chansons de Florist ont tendance à être plus efficaces avec des mots. Cela vient naturellement. Une combinaison puissante de mots et de musique peut être plus efficace. Mais la musique instrumentale que je fais séparément est censée être sans paroles, car je pense qu'il y a beaucoup de communication qui ne peut se faire entre nous que sans mots.
Onlyness
Notre bassiste fait aussi sa propre musique. Ça s'appelle Onlyness. C'est lui qui a installé tout notre matériel d'enregistrement lorsque nous nous sommes réunis dans la maison. Il possède beaucoup de matériel. Nous utilisons son magnétophone lorsque nous enregistrons.
Anna Mieke
Programmée en première partie du concert au Botanique, l’irlandaise Anna Mieke a accompagné Florist sur leurs six premières dates. J’étais complétement passé à côté de son album Theatre sorti l’année dernière. Des arpèges folk extrêmement soignés et des chansons très complexe qui dépassent souvent les 5 minutes. Seul Daniel Rossen, chanteur de Grizzly Bear, fait une folk contemporaine dans le même genre.
Skullscrusher
J’ai longtemps espéré pouvoir interviewer Skullcrusher, qui jouait également au Botanique quelques semaines auparavant (également organisé par TOUTPARTOUT qui a quand même un roster assez exceptionnel). Helen Ballentine qui sort des disques sous ce nom très métal est également originaire de l’état de New York. Ce n’est pas la seul point commun entre la musique de Skullcrusher et Florist. Les deux formations mélangent allègrement folk et field recording, et le superbe dernier album de Skullcrusher, Quiet The Room, a également été enregistré au milieu de la campagne de l’Upstate New York. On va pas bouder son plaisir.
L'Agenda de The Locomotion
Au prochain épisode, voici venu le temps de la première personne non-musicienne de The Locomotion ! On recevra Alice Butterlin, autrice du livre les Heures Défuntes, sorti l’année dernière aux éditions Le Gospel. Achetez son livre ici ou venez la voir à Bruxelles le 14 avril à la Maison Poème, pour une rencontre suivie par un concert de David Lafore.
On aura également un épisode prochain consacré à Hatis Noit, une chanteuse polyphonique du Japon qui joue le 9 avril au BRDCST Festival à l’Ancienne Belgique. On a déjà parlé la fois dernière mais on en remet une couche dans le podcast. J’ai encore un peu d’espoir d’interviewé Marina Herlop qui passera à Notre-Dame-de-Laeken dans le cadre du Listen Festival. Je vous tiens au courant.
Autre invitée rêvée, c’est Vica Pacheco, l’artiste instrumentale en tête d’affiche de la journée de concerts et de DJ sets organisée par rêverie le 15 avril au C12. Découvrez le reste de l’agenda sur la page de The Locomotion sur Radio Panik.