Ventre de Biche : "J’ai toujours préféré les versions démos"
Un nouvel épisode de The Locomotion avec une interview de Ventre de Biche
Une chouette interview avec Ventre de Biche enregistrée à Recyclart (Bruxelles). Retrouvez un peu plus bas la playlist augmentée ainsi que les sorties disque de ces deux dernières semaines.
Luca Retraite est lyonnais mais a très vite bougé à Strasbourg afin de rejoindre une scène florissante, qui dépassait les genres. Sous le blaze de Ventre de Biche, Il a sorti trois albums de synthé-rap chez Teenage Menopause Records, avec un quatrième en route (prévu cet été, si tout se passe bien avec le pressage).
Le 16 février, Ventre de Biche inaugurait une soirée très dark synthé au Recyclart avec Colombey et Clara Le Meur. C’était vachement bien. Avec Luca Retraite, on a parlé de son processus d’enregistrement, des scènes locales en France, de son groupe d’adolescence, en essayant de couvrir le bruit des glaçons du bar de Recyclart. Mais d’abord il faut qu’on parle un tout petit peu de…
La Grande Triple Alliance internationale de l'Est
La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est est un collectif informel créé dans les années 2000 par des artistes de Strasbourg et de Metz. Petit à petit, son influence s’est agrandie pour intégrer des artistes et des groupes de Bruxelles, Nancy et de toute la France. Pour ne nommer qu’une poignée de groupes emblématiques : Noir Boy George, Scorpion Violente, Delacave, SIDA, Chômage…
Beaucoup a déjà été dit sur la Grande Triple Alliance Internationale de l’Est donc je suis pas obligé de le répéter ici. Mais j’en parlerai peut-être un jour sur I Only Listen to French Music.
Un documentaire écrit et réalisé par Nicolas Drolc et Guillaume Marietta (The Feeling of Love, A.H. Kraken…) est même sorti en 2022. Projeté au Cinéma Nova la semaine dernière, je l’ai loupé. C’est con.
Cinq questions à Ventre de Biche
Dans le docu sur La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est, tu es présenté comme la relève…
Je suis arrivé tard. J’étais au lycée quand ils ont créé le mouvement, j’étais loin de me douter que ça existait. Par le plus grand des hasard, il se trouve que je suis allé vivre à Strasbourg quand j’ai eu 19 ans. Eux, ils avaient déjà 27-28 ans.
Les gens de la Triple Alliance ont eu une grande influence pour moi. Pas forcément musicalement, mais plus dans l’idée que tu peux écrire ou composer ce que tu veux. Je me sentais un peu étriqué dans une scène punk rock avec des paroles pas ouf, en anglais ou, quand le chant était en français, toujours très premier degré et revendicatif. C’est très bien que cela existe, mais je ne me sentais pas prêcher la bonne parole. C'était une libération pour moi.
Comment on s’intègre dans une nouvelle scène locale ?
Il faut juste aller aux concerts et parler avec les gens. Quand je suis arrivé à Strasbourg, je ne connaissais personne. C’était plus facile de s’intégrer qu’à Lyon. Peut-être parce que la ville était plus petite, on se toisait moins du regard. Toutes les scènes communiquaient entre elles. Dans la réalité, les micro-scènes, c’est vachement plus poreux que ça en a l’air. Les gens qui ont 20 balais maintenant n'en ont plus rien à foutre de ces idées de “scène”. Tant mieux si tous ces trucs-là disparaissent.
Quel est ton rapport avec ton oncle, Fabio Viscogliosi ?
Il fait de la musique et il dessine. Et je fais de la musique et je dessine aussi. Il m’a mis pas mal de livres et de disques dans les mains pendant mes années formatrices. Le troisième disque, je l'ai enregistré dans son grenier. Le quatrième, qui va sortir bientôt, je l'ai aussi enregistré partiellement dans son grenier avec pas mal de vieux matos à lui. On a une approche de la musique qui est similaire, même si le style peut être différent. On apprécie autant le côté maquette et fait-maison, le grain et le son que cela peut donner. J’ai toujours préféré les versions démos des groupes que je kiffais plutôt que les versions studio finales. Ces maquettes et ces démos, avec toutes les imperfections qu’elles ont, figent un truc dans le temps que je trouve touchant et singulier.
Comment tu sais quand un morceau est assez “fini” pour être diffusé ?
Pour moi, chaque morceau est le brouillon du truc d’après. Ce qui fait que je ne peux plus écouter la zik que j’ai faite il y a longtemps, parce que je n’entends plus que les défauts. Mais au moins, la musique ne reste pas dans un placard. Parce que si j’attendais de faire mon chef d'œuvre à chaque fois, je n'aurais pas sorti grand chose.
Quels sont tes autres groupes en ce moment ?
J'ai un groupe de punk lent à Bordeaux : les Conservatoires. On a aussi réactivé notre groupe de fin d'adolescence : SIDA avec Quentin qui fait de la batterie dans Delacave, Maïssa de Théorème et Zad Kokar. C’est toujours aussi agréable, on va essayer de relancer la machine. Sauf qu’on est tous dans des villes différentes et qu’on n’est pas les meilleurs organisateurs.
La playlist augmentée
Retrouvez-ici les albums dont sont issus les morceaux de la tracklist de cet épisode spécial Ventre de Biche. On commence avec d’abord la discographie du monsieur, on passera ensuite aux morceaux bonus.
Viens Mourir : son premier album, très but, très rageux
333, mi homme, mi bête : celui où on commence d’expérimenter avec la trap
III : beaucoup plus mélodique, un peu plus coldwave, avec des chœurs et du vocoder.
Clara Le Meur - Hier à la plage
Après le concert de Ventre de Biche, c’était au tour de Clara Le Meur sur la scène du Recyclart. Originaire de Quimper en Bretagne, elle habite maintenant à Paris. Elle a sorti Hier à la plage, un album de pop DIY- lo-fi au sens le plus pur - à la toute fin de 2021, sur le label Le Syndicat des Scorpions. Elle était déjà passé il y a un an à Bruxelles avec Divagation.
Colombey - Au Siècle Dernier
Pour finir la soirée au Recyclart c’était Colombey, le projet punk crépusculaire de TG Gondard, maintenant installé à Bruxelles depuis quelques années. Sous ce blaze, il a sorti trois albums et demi avec une iconographie héraldique, une toponymie de sous préfecture et une ambiance crépusculaire.
Fabio Viscogliosi - Camera
Fabio Viscogliosi est un artiste, musicien, chanteur, dessinateur de Lyon. Il publie des albums, des romans, des BDs depuis les années 90. C’est aussi comme vous avez pu lire dans l’interview, l’oncle de Luca.
Fiesta en el vacío - Fiesta en el vacío
Projet solo de Luna Cedrón, une chanteuse franco-argentine et moitié de Bibimveri, son duo reggaeton/trap avec Luca Retraite. Son album éponyme, incroyable melting-pot de genres expérimentaux ou très très pop, est sorti début 2023.
SIDA - SIDA
SIDA est un groupe de punk formé à Strasbourg avec Luca Retraite mais aussi “Quentin qui fait de la batterie dans Delacave, Maïssa de Théorème et Zad Kokar’”. Iels ont sorti leur premier et unique LP en 2017. Ça décoiffe.
Les sorties disque
Roxane Métayer - Perlée de Sève
Notre pote Roxane Métayer a sorti l’album dont elle nous parlait le mois dernier lors du deuxième épisode. Avec Perlée de Sève, l’artiste bruxelloise continue de produire une fascinante musique expérimentale, remplie de percussions étranges, de fausses chouettes hulottes, de pleurs de violons et de boucles lunatiques.
Evita Manji - Spandrel?
Musicienne et performeuse grecque, Evita Manji sort son premier album, un an après sa disparition de sa fiancée, SOPHIE. Un puissant album de deuil, direct et sombre, mélange d’avant-pop expérimentale et de deconstructed club music, directement inspirée de la musique de SOPHIE, impossible à dissociée de cet album. Evita Manji partage sa peine personnelle pour nourrir notre deuil collectif.
Two Shell - lil spirits
Quand on parle des héritiers de SOPHIE justement, Two Shell pointe également le bout de son nez. L’énigmatique duo londonien sort encore un EP, leur format préféré, avec cinq titres cristallins qui jongle avec la bass music bien anglaise et la glitch pop de type PC Music. Vivement un album, bordel.
megaviolet - L’expérience
megaviolet est le projet solo de Kenza Lamriben (Paris). Elle a récemment sorti une cassette dark ambient sur le label Grande Rousse Disques. Bravo la team.
Caroline Polacheck - Desire, I Want to Turn Into You
Pas très indé, ni vraiment expérimental, je me devais quand même d’écrire quelques lignes sur le nouvel album de Caroline Polacheck, un des meilleurs sortis cette année. Sans surprise après tous ces singles sortis l’année dernière, Desire, I Want to Turn Into You est une merveille de précision pop. Avec finalement peu d’invités à la production et au micro (Grimes et Dido en exception sur un seul morceau), l’album est produit quasi-intégralement en partenariat avec le Danny L. Harle, une des têtes pensantes du label PC Music, encore eux.
Prochainement dans The Locomotion
Vous allez enfin avoir droit au premier épisode parisien de The Locomotion. On enregistre la semaine prochaine avec Cécilia Da Colonia (si Dieu le veut).
En parlant de ça, j’ai enfin commencé à mettre en ligne les épisodes sur le site de Radio Campus Paris et on commence là où tout a commencé avec Tarta Relena.