Les mille projets de Cyril Bondi
Une interview à Genève avec Cyril Bondi, le batteur de Cyril Cyril, La Tène, etc. mais aussi le coordinateur du collectif Insub et son orchestre.
La vie est pleine de surprise. J’aurai jamais pensé dire un jour qu’une des villes dans laquelle j’aimais revenir ce serait Genève. Et pourtant ça va faire trois années de suite que je passe au moins une journée au bord du Lac et c’est un plaisir croissant. L’été dernier, entre une baignade à la Jonction et un concert matinal aux Bains des Pâquis, j’ai eu l’occasion d’interviewer Cyril Bondi dans les studios du collectif Insub. au sein du bâtiment Picto, qui rassemble les bureaux et ateliers de nombreux artistes genevois.
“Je fais partie de fédération de musiciens à Genève. Je gère, avec deux autres personnes, une permanence qui répond deux fois par mois à des questions administratives pour les musiciens et les musiciennes qui essaient de monter leurs assos, de comprendre comment faire une demande de subventions, etc. Tu réalises à partir d 'un certain âge, alors que t’avais l'impression de t'être fait tout seul, qu’il y a des gens qui se sont battus pour qu'existe un système de subvention ou pour faire exister des lieux. Cet héritage indirect qui est ultra important. Je suis plutôt dans cette phase-là de ma vie, de redonner un peu de ce dont j'ai pu profiter. C'est à mon tour d'investir de mon énergie et de mon temps”.
Si vous ne connaissez pas Cyril Bondi, vous connaissez probablement au moins l’une de ses formations. Batteur, il a commencé au sein du trio jazz Plaistow, séparé depuis 2015. Au sein du collectif Insub., dont il et l’un des fondateurs, il dirige également l’Insub Meta Orchestra, un orchestre à géométrie variable fondé sur l’improvisation. Avec d’incise, le cofondateur d’Insub., il forme le groupe Diatribes ente jazz et expérimental et les deux se retrouvent également dans l’hydre La Tène, un de ces quelques groupes qui créent des drones en s’inspirant des musiques traditionnelles. Et enfin, il tourne également sur de la musique dansante d’influences orientales au sein du duo Cyril Cyril, avec Cyril Yétérian, le fondateur de Bongo Joe Records. Avec lequel il intègre également un supergroupe genevois : Yalla Miku qui comporte Cyril Cyril, le duo Hyperculte et trois musiciens africains.
Généralement quand j’interviewe les musiciens, avant ou après leur concert, cela dépasse rarement les 20 minutes. Il y a toujours d’autres choses à faire ou à penser le jour J. Mais quand je vais voir un artiste sans agenda, c’est la porte ouverte à tous les échanges. C’était déjà le cas avec Edi Pou à Barcelone, un autre batteur plutôt expé, et ce fut le cas avec Cyril Bondi à Genève qui s’est épanché pendant plus d’une heure sur tous les sujets. “Je peux être très bavard” m’a t’il avoué à la fin de l’interview. Résultat : un épisode en version longue est disponible sur Spotify avec plus d’une heure trente d’entretiens et de musique, où l’on aborde tour à tour chacune des formations de Cyril Bondi.
La tracklist, disponible sur le site de Radio Campus Paris, est à l’image de l’interview : extrêmement variée mais qui met en avant les longs morceaux expérimentaux. Et i fait avouer que même avec 1h30 d’antenne, il est Difficile de passer des sons en entier quand on parle de La Tène ou de l’Insub Meta Orchestra.
Restons un petit peu sur l’Insub Meta Orchestra. Un projet assez unique en Europe, créé, comme son l’indique, à partir du collectif Insub., que Bondi co-dirige avec son comparse d’incise.
“Ce collectif est ultra riche socialement. Il y a des gens de différentes générations et de différents backgrounds. Parce que la particularité de cet orchestre, c'est qu'on n'a jamais choisi les participants. On a toujours accepté les gens qui voulaient participer sans aucune attente préalable, sans jamais faire attention d’où ils venaient, quelle musique ils ou elles faisaient, s’ils avaient une technique particulière. Pour moi, cela a toujours été important parce qu’on partait du principe que les gens s’engageaient dans cet ensemble parce qu'ils avaient un intérêt personnel”.
La semaine dernière, j’ai revu La Tène en concert à la Brasserie La Source pour une des 12000 soirées d’anniversaire de Goûte Mes Disques. Il y avait encore Acte Bonté en première partie, mais Alexis Degrenier était absent du line-up de La Tène. Néanmoins, le résultat était à la hauteur de leur réputation.
J’avais déjà expliqué mon obsession pour le renouveau des musiques traditionnelles quand on avait parlé de Toad. Dans ce mouvement qui n’en est pas un, La Tène fait figure d’exception, mélangeant musiciens issus du monde expérimental avec des musiciens issus des musiques traditionnelles, et s’éloignant des rythmes trad’ pour expérimenter sur des rythmes un peu plus syncopés comme ce morceau du dernier album, basé sur une rythmique reggaeton du dernier Rosalia.
Naïvement, j'ai vraiment découvert cette musique grâce à La Tène. C'est quelque chose que j'adore avec la musique, et je le dis sans aucune mystique : finalement, si il n'y avait pas des gens qui avaient déconstruit la musique à un moment, s’il n'y avait pas des gens qui avaient eu un rapport expérimental avec leur instrument ou qui avaient mélangait des genres musicaux, cela n’aurait pas pu me permettre d'avoir accès à ce que j’essaie de créer aujourd'hui. Mon rapport à l’inspiration et à la création est intimement lié à des parcours que qui me sont méconnus ou que je connaîtrai peut-être plus tard.
Il y a un jeu temporel entre ce qui s'est fait, ce que tu vas faire, ce que tu vas découvrir, ce qu'il y a derrière toi et ce qu’il y a devant toi.
Dans le prochain épisode de The Locomotion
C’est enfin le retour de la Belgique avec une interview du trio Milk TV enregistrée au Botanique quand ceux-ci jouaient en première partie de Peter Kernel. Ils viennent juste de sortir leur dernier album Neo Geo chez EXAG' Records.
L’épisode a déjà été diffusé sur Radio Panik mais il sera diffusé à Paris le 4 décembre à 22h30. Mais également un jour à Québec, sur la radio CKRL grâce à un partenariat monté par la Fédération Wallonie-Bruxelles.